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Le seul but de la prédication

Dernière mise à jour : 2 déc. 2020

L’œuvre de la prédication se mène uniquement pour Dieu et le salut de son peuple, non pour des fins personnelles. C’est ici la pierre de touche de ma sincérité dans ce ministère. Un but erroné vide l’œuvre de tout bien en ce qui me concerne, même si elle est bonne en elle-même. Le renoncement à soi est une nécessité absolue pour tout chrétien, mais doublement pour le pasteur puisqu’il a répondu à un double engagement devant le Seigneur. Le serviteur de Dieu n’est d’aucun service pour Dieu sans ce renoncement à soi. Des études poussées, une connaissance étendue et une prédication excellente ne font qu’alimenter une hypocrisie orgueilleuse et coupable si le but n’est pas le bon.

Le ministère évangélique a pour but principal la gloire de Dieu. La détermination exclusive vers ce seul but rend toutes choses douces et saintes. Ce dessein emplissait le cœur et dirigeait la voie de Christ, mon grand exemple. L’apôtre Paul possédait aussi ce véritable esprit de serviteur qui résulte d’un examen de soi sérieux et d’un conflit spirituel serré. L’expérience m’assure qu’il est des plus difficiles de prêcher avec simplicité de cœur. Combien de la préparation même de mes messages découle d’un principe d’égoïsme et court le long du même canal corrompu ! Alors même que Christ est le texte de ce message, le moi en est souvent l’esprit et la substance, comme si je n’élevais la croix de Christ que pour y accrocher ma propre gloire.


Le moi ou Christ ?


Qu’est-ce qui anime souvent ma manière de prêcher, mon intonation et accentuation des mots en chaire, en présence même du Seigneur ?  Ne me prêché-je pas moi-même dans l’action même de «prêcher Jésus-Christ le Seigneur» ? Si, sous l’impulsion du moment, j’ai une pensée de génie, il est très rare qu’elle ne s’accompagne pas de plaisir de soi, d’attente de susciter un effet immédiat ou de déception quand cela échoue ! Comme il est dur de prêcher sans viser les chrétiens ou les intellectuels de l’auditoire ! Quelle lutte pour résister à la crainte de paraître ordinaire ou au désir d’être original et puissant ! Comme il est difficile de couler mes dons dans la grâce de l’humilité, de réprimer ce qui pourrait me recommander aux hommes de talent et de goût et de revêtir le même sentiment d’un manteau moins imposant mais plus utile ! Comme le désir est naturel de chercher à savoir si on approuve mon sermon plutôt que s’il profite ! Si je pense avoir fait seulement un impact tout ordinaire, je donne l’air d’avoir perdu à la loterie. C’est ainsi que le désir d’être utile se lie de manière égoïste à l’honneur de mon propre nom. J’ai du mal à accepter que Dieu m’humilie au sein de «mon» troupeau et qu’on pense que je suis un vase de second choix.

Richard Baxter parle à notre génération. «Considérez, dit il, quels appâts il y a dans l’œuvre du ministère pour attirer un homme à être égoïste, c’est-à-dire, à être charnel et impie, alors même qu’il accomplit les œuvres de piété les plus élevées. La renommée d’un homme pieux est un aussi grand piège que celle de l’érudit. Malheur à celui qui recherche la célébrité de la piété plutôt que la piété elle-même ! L’érudition et un formalisme creux étaient autrefois en vogue, et la tentation de l’orgueilleux reposait dans cette voie-là. Maintenant, par la grâce de Dieu, on a plus d’égard pour une prédication vivante et pratique. La tentation réside donc à se prétendre un prédicateur zélé et plein de piété. Quelle merveille de voir les gens s’attrouper pour m’écouter, être affectés par mes propos et me tenir en haute estime ! Quel plaisir je retire de les voir dépendre de moi ! Un peu d’effort me sert alors à me faire paraître zélé à leurs yeux. En fait l’orgueil m’y aide sans le moindre effort !»


Un examen serré et sérieux


L’époque s’oppose particulièrement à cette détermination de suivre un seul but. L’amour de la nouveauté et l’idolâtrie de l’intellect sont les pièges par lesquels l’ennemi rusé corrompt l’Église et la détourne de la simplicité de Christ. Il est difficile pour le prédicateur de préserver le ton de son instruction de toute influence venant de ces tentations. Un grand danger repose dans le fait d’apporter plus de nourriture au cerveau qu’au cœur, de perdre à des technicités savantes, des théories ingénieuses et des compositions élaborées le temps qu’il faudrait allouer à une application serrée de l’Évangile.

Il n’y a rien de plus dommageable pour la spiritualité de mon ministère que d’occuper mes études avec la recherche de «trucs» pour plaire aux hommes plutôt que de dépendre de Dieu dans l’espoir qu’il accompagne mon travail de l’onction de son Esprit. Les pasteurs les plus éminents reconnaissent le danger de transformer notre service en un appui pour nos désirs orgueilleux. L’un d’eux écrivait dans son journal intime : «J’ai observé dans mon esprit la présence d’une anxiété coupable de bien prêcher, plutôt qu’un saint souci de prêcher de manière utile. Je recherche souvent, malheureusement, mon propre honneur plutôt que celui de Christ. Je reconnais ce péché en moi. J’espère m’en repentir sincèrement et en être pardonné, et prie que le Seigneur l’arrache de mon cœur.»


Que personne ne prêche donc pour recevoir la louange des hommes. Si vous la rencontrez, méfiez-vous et priez contre votre propre vanité. Rendez positivement la gloire à Dieu. Tremblez davantage à la pensée du jugement de Dieu qu’à la censure du peuple. Le mal le plus perfide et avilissant consiste à transformer le ministère de l’Évangile en un moyen pour déployer sa propre excellence, à prostituer les gloires de la croix dans l’assouvissement de son orgueil.

L’homme qui prêche vraiment l’Évangile, qui se soucie davantage de faire du bien à autrui qu’à promouvoir sa propre renommée, ne peut échouer dans son œuvre. Il réussit certainement d’une manière ou d’une autre. La Parole qu’il annonce ne revient pas sans avoir accompli ce pour quoi elle est envoyée. Comme le dit Paul à Timothée : «En agissant ainsi, tu te sauveras toi-même, et tu sauveras ceux qui t’écoutent.»


Charles Bridges

(«Les Échos de la Vérité», 1er trimètre 2006)





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Jude

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